L’idée est intellectuellement satisfaisante : un consommateur, yeux bandés, goûte tour à tour, deux yaourts A et B avant de porter son choix sur B. Démonstration est faite : B se vendra mieux que A, parce que le test en aveugle a prouvé qu’il était meilleur. Les expérimentations effectuées par des œnologues* tordent le coup au bon vieux blind test. A l’aide de l’IRM (imagerie par résonance magnétique), la correspondance entre phénomènes psychiques et neurobiologiques a été démontrée. Ainsi, les entrées sensorielles sont à 70 % visuelles (d’où l’importance relative des tests en aveugle…), à 25 % auditives, les autres sens (toucher, odorat et goût) entrant pour seulement 5 %. Poussant plus loin leurs investigations, les œnologues ont même mis en avant la relation entre la description a priori des produits (ici, des vins) et l’appréciation gustative. Ainsi, et bien qu’ayant une composition chimique similaire, la vue d’un vin rouge gouvernera, par exemple, une sensation gustative de “fruits rouges”, alors que la vue d’un vin blanc déclenchera une sensation gustative de “fleur d’oranger”. Via le cerveau (l’imaginaire comme le rationnel) la vue, qui est l’entrée sensorielle dominante, domine le goût. * Travaux de Frédéric Brochet, distingués par l’Académie Amorim
On devine aisément les multiples applications marketing de ces découvertes. Bien avant de consommer un produit, un acheteur va le juger. Reste donc à “encoder” la vue du produit pour le faire apprécier et acheter, d’où l’extrême importance du design, du packaging et de la mise en avant des produits, notamment dans le cadre d’opérations promotionnelles. Pour faire apprécier, il faut plaire à l’œil. Mieux encore, ce sont les services qui peuvent être ainsi “encodés” pour matérialiser l’immatériel : les opérateurs de téléphonie mobile ou les assureurs vendent donc des “packs” et mettent ainsi leurs services en boites… Comme quoi, vendre du vent, c’est une chose : encore faut-il savoir le faire.